INTERVIEW ILIONA – « Les musiciennes et les techniciennes sont tellement sous-représentées. On ne leur donne pas souvent une chance. »
Crédits photo Arash Khaksari
En pleine résidence pour préparer sa tournée à venir – qui débutera le 26 septembre au Bikini – la bruxelloise Iliona nous a accordé un moment pour parler de création, de la place des femmes dans la musique et de souvenirs de concerts.
Bonjour Iliona, comment tu vas ?
Bonjour, ça va et toi ?
Ça va bien, merci. Si je comprends bien, tu es en résidence depuis quelques jours ?
Oui, exactement, je suis en résidence en ce moment même. On est en train de voir tous les derniers petits détails pour la tournée qui commence la semaine prochaine. Donc là c’est vraiment la dernière ligne droite et on commence à Toulouse.
Ah super ! T’es dans le moment excitant, un peu avant le début de la tournée, là où il y a un peu une sorte de fourmillement !
Exactement, on voit encore mille détails et en même temps ça commence à vraiment rouler, donc on est très contentes.
Tu es déjà venue à Toulouse ou ce sera la première fois ?
Je suis passée très rapidement pour aller voir des amis au Rose Festival l’année passée, du coup je n’ai pas vraiment vu la ville encore.
Oh, donc ça va être la première fois que tu joues ici ?
Ouais, ouais, 100%. En réalité, c’est ma première tournée !
Ah trop cool ! Et bien en tant que porte-parole non-officielle de tout Toulouse, je peux te dire que c’est une chouette ville et le Bikini une super salle pour lancer une tournée : il y a une belle ambiance, tu verras. En plus le public toulousain est chaud comme la braise.
Génial, tu me rassures de ouf, j’ai hâte !
T’as une belle tournée qui t’attend, donc.
Oui ! Elle est assez courte et assez chill, dans le sens où il n’y a pas mille dates : on a entre 10 et 15 dates sur une période de quelques mois. C’est trop bien parce que ça ne va pas être la course et on va vraiment pouvoir profiter de chaque date, savourer.
Oui, c’est agréable d’avoir le temps, de ne pas faire des sauts de puces. Il y a aussi deux sacrées dates dans cette tournée puisque tu fais l’Olympia les 13 et 14 novembre. Ça fait quoi de se dire qu’on va faire deux fois l’Olympia?
En fait, je ne réalise pas du tout. Quand j’en avais parlé avec ma tourneuse au départ, je disais que je voulais faire une date parisienne et une date bruxelloise, parce que je viens de Bruxelles et j’y habite encore. Je voulais qu’on finisse la tournée par Paris et Bruxelles, pour vraiment finir à la maison.
On a envisagé l’Olympia, mais un peu en se disant « bon, on va voir, c’est un peu ambitieux« . Finalement, on l’a rempli tellement vite qu’on a rajouté une date. Mais je te jure, je ne réalise pas encore !
Déjà, que le premier soit complet… je n’ai toujours pas réalisé. Donc, le fait qu’il y en ait un deuxième et qu’il soit aussi rempli maintenant, c’est fou !
On a deux dates à Bruxelles qui sont hyper symboliques pour moi et qui sont aussi choquantes !
Pareil, on en avait mis une. On était choqués de la remplir vite et donc, on en a rajouté une deuxième. Donc, ça fait que j’ai un petit run des deux grosses salles. Ça va être incroyable !
Trop bien, je suis ravie pour toi ! Du coup, justement, ça fait depuis 2020 ton premier single, J’ai du mal : tu as dû faire de belles dates. Est-ce qu’il y a un concert en particulier qui t’a marqué ?
J’en ai vraiment fait très peu. C’est pour ça que je considère un peu que ce sont mes premiers concerts. Mais il y a une date qui m’avait vraiment marquée quand même aux Nuits Botaniques à Bruxelles. C’est un festival que je chéris beaucoup et auquel je vais souvent en tant que spectatrice. C’était incroyable ! Je pense que ça m’a fait un petit déclic : c’était la première fois qu’il y avait autant de monde devant moi qui chantait les chansons. Je ne réalisais pas avant ça qu’il y avait des vrais gens dans la vraie vie qui écoutent ma musique. Ça m’a marqué !
Je suis certaine que le public toulousain va tomber en amour lui aussi.
J’espère, j’espère !
Je suis toujours curieuse de connaître les processus créatifs des différents artistes. Avant la scène, il y a l’écriture, la composition : est-ce que tu as une façon de faire quand tu crées un morceau ?
Oui, je fonctionne vraiment toujours de la même manière. Depuis que j’ai commencé la musique, ça n’a jamais changé. C’est la configuration dans laquelle je me sens le mieux.
Plus le temps passe, plus on me suggère de changer de manière de faire, de m’ouvrir à d’autres trucs. Je suis toujours aussi bien dans ma petite bulle. Je fais tout toute seule à la maison : je compose, j’écris, j’arrange, je fais des prods. J’enregistre chez moi aussi. Et puis, je vais jusqu’au bout des mixs.
Donc, il y a vraiment tout qui est fait maison, à la main, dans mon petit endroit où je suis toute seule. Et ça me fait trop du bien d’être solo pour créer. C’est cool.
Ton dernier album « What if I break up with you », tu l’as enregistré chez toi ou en studio du coup ?
Non, je suis restée chez moi !
Waouh, bravo, parce qu’il est très beau.
Merci !
Et sur scène, tu seras accompagnée par des musiciennes ou musiciens ?
J’ai deux musiciennes qui sont exceptionnelles : une batteuse, Zoé Hoch et une guitariste, Praa, qui a aussi son propre projet.
On a une équipe que de meufs, donc c’est génial. Même mes techniciennes : c’est le paradis sur terre ! On a avancé sur la direction musicale vraiment main dans la main pendant des semaines. C’était vraiment hyper enrichissant et intéressant.
C’était important pour toi de travailler avec des femmes sur le live ?
Oui, hyper important. C’était complètement un choix. D’ailleurs, tu le sais, j’imagine, mais c’est un milieu où si tu ne l’imposes pas, ça n’arrivera jamais. J’ai vraiment dû imposer qu’on soit que des meufs.
Je ne regrette tellement pas d’avoir forcé là-dessus. C’était trop important pour moi, parce que les musiciennes et les techniciennes sont tellement sous-représentées. On ne leur donne pas souvent une chance.
Comme je fais de la prod, je suis souvent dans la position d’être appelée en tant que prestataire de service sur des projets externes. Je connais très bien cette position, en tant que meuf, de ne pas être forcément prise au sérieux, de ne pas être appelée ou autre. Je sais l’importance, quand on en a la possibilité, d’imposer cette décision-là, de le faire.
Oui… j’ai les chiffres de 2019 en tête, qui commencent à dater, mais je crois qu’ils n’ont pas du tout ou du mois pas assez évolué, c’était genre 14-15% de musiciennes professionnelles…
C’est ridicule, ça fait peur…
Ils ont peut-être augmenté de quelques points, mais on voit bien que les femmes et personnes minorisées sont encore sous-représentées sur scène et en studio…*
Non, non, mais c’est franchement c’est flippant.
C’est systémique, malheureusement, mais les choses avancent quand même, on y veille !
Avant de te laisser retrouver ton équipe de choc pour préparer votre belle tournée, je vais te poser deux petites questions made in OPUS. Première question : tu as les clés pour monter ton festival de rêve. Tu le fais où, tu programmes qui ?
Je le fais à Bruxelles, c’est sûr ! Il y en a déjà énormément qui sont géniaux mais j’aime trop les festivals à Bruxelles. Je trouve que c’est la meilleure ambiance.
Je programmerais, pour sûr, toutes les girls hip-hop du moment qui sont mes collègues que j’aime d’amour et qui m’impressionnent trop. Toute cette génération-là de Miki, Yoa, Théodora, etc.
Et puis, je pense que pour le kiff, si j’ai un budget illimité, j’inviterais les Strokes.
T’as budget illimité, j’ai demandé à la prod, c’est bon !
Voilà, génial. Et qui est-ce que j’inviterais d’autre ? Le concert qui m’a le plus choquée de ces dernières années, c’était King Cool.
Superbe, je viendrai ! Et deuxième et dernière question : est-ce que tu aimerais nous partager un ou une artiste ou un groupe que tu as découvert il n’y a pas longtemps et que tu adores ?
La dernière claque musicale que je me suis prise, c’est un artiste qui s’appelle notinbed, avec qui j’ai eu la chance de travailler très récemment parce que je lui ai demandé de faire un remix de mon dernier single qui s’appelle Connerie. Je suis très fan de sa musique, ça fait très longtemps que je l’écoute.
Trop bien, on va écouter ça avec plaisir ! Merci beaucoup pour cet échange, c’était très chouette ! Bonne fin de résidence et surtout bon Bikini !
Merci à toi !
* https://hf-normandie.fr/index.php/2025/04/01/compte-rendu-etude-sur-la-place-des-femmes-dans-la-filiere-musicale-edition-2025-cnm