Interview de Lombre : du projet de chambre au Zénith

Avant d’assurer la première partie de Bigflo & Oli au Zénith ce samedi, Lombre nous a accordé une jolie petite discussion pour nous présenter son projet. Plongée dans l’univers d’un amoureux des mots.

Dans votre disque vous disiez rêver du Zénith dès 8 ans. Comment on se sent maintenant qu’on s’apprête à en faire un ?

On se sent fier et heureux du parcours ! C’est parfois un long chemin de développer artistiquement, de prendre le temps de faire les choses, de composer, de faire évoluer le projet artistique… J’ai commencé il y a 7 ans. Je suis maintenant à une étape assez gratifiante. C’est mon deuxième Zénith, à Lille j’avais ouvert pour Ben Mazué. Mais, ce samedi, il y a une saveur de quasi première ! C’est un honneur qui fait vraiment écho à cette phrase de l’album !

Vous avez commencé il y a 7 ans… Et quel âge avez-vous maintenant ?

Je vais avoir 26 ans dans moins d’un mois. J’ai commencé en 2016 officiellement. Mais j’ai débuté l’écriture bien plus tôt. J’avais 12 ans, je faisais des chansons dans ma chambre. Ce petit projet de chambre s’est développé pendant des années. Mais je n’avais pas vocation à sortir de ma pièce d’ado… J’étais tellement passionné de spectacles vivants et de concerts que, pour moi, ça semblait inatteignable de chanter devant des gens ! Je m’étais interdit d’y croire pendant longtemps… L’envie de faire le grand pas n’est arrivée que plus tard. J’ai concrétisé le projet Lombre et ça m’a donné l’envie de sortir de mes quatre murs. Je me suis inscrit au Prix Nougaro en 2016. J’ai fini lauréat, ça m’a lancé et donné beaucoup de force. Finir lauréat sur un tremplin de ce type là, à la fois beau dans sa valeur et dans son image auprès des gens, donne confiance pour la suite. Si les gens aiment, j’ai le droit d’assumer mon délire, c’est que ce n’est pas si nul !

Et qu’en est-il des deux frères ?

Pour l’histoire, Bigflo & Oli étaient les parrains de l’édition 2016 du Prix Nougaro. Nous avions fait connaissance, j’ai chanté une chanson ce soir-là, ils m’ont donné énormément de force. Samuel Capus de Bleu Citron aussi. D’ailleurs il vient de chez moi, de l’Aveyron, lui aussi ! Toute la team m’a donné de la force dès le début. Ça n’a jamais flanché. Ils m’ont invité sur des premières parties, on se voyait pas mal post covid. Les frérots m’ont donné des avis sur l’album et je sais qu’ils seront toujours là si j’ai besoin de conseil ou si j’ai un moment de creux. Ce sont des artistes restés très humbles et c’est pas facile à leur échelle.

Et comment es-tu tombé dans la musique ?

J’ai la chance d’avoir grandi avec un papa metteur en scène de sa propre compagnie amatrice. J’ai côtoyé très tôt l’odeur des planches. Mon père est très passionné et curieux, il m’a permis très tôt de rêver grand. Il m’est d’un grand soutien.

Pourquoi avoir choisi le rap ?

J’ai commencé lors d’une période compliquée de ma vie. Il y avait des choses à sortir de mon cœur qui me faisaient un peu mal. Le rap c’était un bon compromis, il y a dedans toute cette rage et tous ces mots à la seconde qui avaient besoin de sortir.

A la base, je n’étais pas musicien. J’écrivais seul dans ma chambre. Le rap c’est facile d’accès, il suffisait de taper “instrumentale hip-hop” sur Youtube pour s’entraîner ! Pas besoin d’avoir le pote qui fait de la basse, celui qui fait de la batterie, celui qui fait de la gratte… Cet accès facile au contenu me permettait d’exprimer mes textes sur n’importe quelle émotion. C’était une bonne époque.

Qu’est ce qui fait votre spécificité ? Un rap presque slamé et électro ?

J’ai eu envie de me détacher du rap parce que ça trempe de plus en plus du côté de “faut que j’ai le meilleur flow, le plus technique, le plus tranchant, le plus dans le buzz” et je ne me retrouvais pas dans ces valeurs. Je suis plus dans les mots et le texte. Alors j’ai pris le rap et je l’ai mélangé à autre chose. Je me suis inspiré de Fauve. Ces gars-là ont tué les barrières du hip hop ! Plus question de meilleur flow ou de phrasé technique, il y avait juste un cri du cœur théâtralisé et direct. Ca correspondait plus à ce que je voulais faire. Aujourd’hui, on me retrouve sur des sonorités rock, électro, rap… j’essaie de ne rien m’interdire.

Vous participez à une évolution assez logique de la musique finalement. Plus un genre vieillit, plus il se mélange à d’autres. Et plus ça avance, plus les puristes collent facilement des étiquettes “pas rap” alors que c’est juste du rap avec des influences différentes…

Oui, je l’ai ressenti ! Mais les gens honnêtes avec les valeurs du hip-hop et toutes les personnes qui ont du recul m’ont encouragé dans ce que je faisais. Que ce soit le public ou les artistes d’ailleurs. Pas besoin de vouloir à tout prix faire du rap pour plaire à un public rap ! D’ailleurs, je joue devant des publics très différents. Par exemple celui de Seth Gueko, assez trash, et celui de Bigflo & Oli, plus tranquille. Ce qui compte, c’est d’être fidèle à soi même dans ce qu’on fait ! Et puis, j’évolue sans cesse. Tant mieux. Dans les musiques actuelles, on mélange plein de choses et ça fait de belles choses aussi.

En résulte qu’il est ardu de vous mettre une étiquette. Comment décririez-vous votre univers au public qui ne vous connaît pas encore ?

C’est vrai que c’est est compliqué ! Je fais le malin à vouloir tout mélanger mais j’essaie d’avoir l’authenticité de Bigflo & Oli, le sens et la spontanéité d’un Ben Mazué ainsi que le flow et la rage de Gaël Faye. Ils n’ont pas grand chose à voir pourtant…

Une certaine science du texte, quand même. Quelque chose qu’on ressent quand on vous écoute.

Certains me classent rap, d’autres chanson française, ou parfois électro-rap… Mais le vrai terme que j’aime c’est “spoken word”, le mot parlé en anglais. Un mélange entre slam et rap. Pour la petite anecdote, le slam c’est un art qui se pratique acapella. Je ne me sens ni slameur, ni rappeur, alors “spoken word” c’est le bon mot à la croisée des chemins.

C’est amusant que vous ne vous qualifiez pas rappeur. Il y a une belle énergie dans “tout le temps” le morceau qui ouvre votre album. Il met dans un mood avant de découvrir votre musique. Quelle image voulez-vous qu’il renvoie ?
C’est marrant, c’est la toute première interview suite à l’album, le grand public ne l’a pas encore reçu, donc c’est un premier retour que je découvre. Mais c’est vrai. Je me suis vraiment inspiré des disques de Diams ou de Bigflo&Oli. “La vraie vie”, par exemple, c’est un texte fleuve long où ça rappe avec la rage des débuts. Je trouve ça important de commencer avec quelque chose de très personnel. C’est sur l’histoire de ma vie ; sur ce rêve que j’ai depuis tout petit, de faire de la musique, d’aller à la rencontre du public, de sortir cet album ; c’est un rêve de gosse. C’est très important pour moi de commencer par cette rage du hip hop qui m’a tant nourri.

Comment s’est passée la conception ? Comme d’habitude La Tanière a participé au projet !

J’ai commencé à bosser avec Clément Libes, faut il encore le présenter, j’étais grave touché par son projet “Kid Wise” avec Augustin Charnet etc, et j’ai adoré sa proposition dans l’identité sonore. J’ai eu la chance de bosser avec lui sur mon précédent EP, c’est lui qui l’a réalisé, et on a eu envie de remettre le couvert pour le premier album. Il est là à 80%. Et Léo Bouloumié était sur 90% des maquettes de l’album. Donc oui, en gros c’est un projet avec la Tanière ! C’est des gens très importants pour moi. Je suis plus dans l’écriture. C’était essentiel de trouver quelqu’un pour la partie musicale. Mais c’est dur de trouver une synergie entre deux artistes pour servir un même projet. Surtout que j’ai beaucoup de mots, ça va vite, il faut une prod’ qui laisse la place au texte mais qui peut prendre la parole… Ils ont réussi à apporter beaucoup !

D’ailleurs, quel est votre rapport au texte et aux mots, au fond ?

J’ai un rapport assez complexe à l’écriture. C’est un exutoir, un médicament que je sors quand j’ai besoin mais je ne pratique pas forcément beaucoup par rapport à d’autres artistes. J’écris peu mais je jette peu également. Je garde les maladresses et la spontanéité dans l’urgence. Je suis assez pudique par rapport à l’écriture. J’adore pas forcément cette phase. J’aime jouer et faire évoluer les morceaux. C’est assez délicat et perturbant à cause de la mise à nue et de cette authenticité. Je ne me force pas vraiment à écrire, j’attends souvent l’inspiration. Mais quand on se pro’ il faut se poser des deadlines et essayer de les respecter.

Roman Frayssinet disait que l’inspiration c’est un truc d’ado et qu’un pro doit être capable de se mettre dans le mood de la création… C’est une réflexion que j’entends souvent, d’artistes en artistes. C’est dur pour tout le monde. Qu’en pensez-vous ?

Je fais jaillir plein de choses durant l’écriture, c’est compliqué de se procurer l’inspiration sur commande… Mais il a raison. Paradoxalement, la création de cet album s’est faite en studio. J’ai écrit les morceaux à partir de notes. Rien n’était pré-écrit et, en quatre heures, on arrivait à faire une maquette. Je me suis offert cette espèce d’urgence de création. Des fois, on tente quelque chose et ça mène vers d’autres options.

Il y a peut être aussi une notion d’expérience. A force d’écrire, on se connait mieux, et on sait comment activer certains moods. Et surtout on se connait davantage. Nos forces, nos faiblesses, nos petites habitudes…

L’évolution est à double tranchant. C’est pareil dans le journalisme d’ailleurs. En pensant que l’écriture devient facile, on peut facilement verser dans le pathos ou se redire. Mais quand on comprend des choses on enlève aussi une part de spontanéité, il y a comme des outils qui se créent dans la tête. En vrai, c’est un long débat. Il ne faut pas trop produire pour ne pas devenir une machine ! Par contre, Ben Mazué, lui… Il écrit mille textes sur mesure à plein d’artistes et c’est toujours magnifiquement fait. C’est fou, c’est fort, il sort du lot. Même Oli pense comme moi !

Au fait, pourquoi “Lombre” ?

J’ai choisi ce pseudo il y a sept ans, parce que j’avais besoin de changer par rapport à mon premier projet (“AT” mes initiales prononcées à l’anglaise) et Lombre m’a beaucoup inspiré parce que ça évoque cette ombre qui nous suit tous les jours et ne nous trahit jamais. Elle est toujours parmi nous, c’est riche dans l’image, si on sourit elle sourit… Et puis Andréa, mon prénom, signifie “l’homme”, donc “el hombre” en espagnol.

Quelles sont vos prochaines actualités ?

L’album “Ailleurs” sort le 12 mai. Il se constitue de beaucoup de rappels, de souvenirs d’enfance et de tous ces moments dans lesquels on peut se réfugier quand la routine nous fait du mal. J’ai essayé de créer des titres qui me font du bien. On vit des temps difficiles, dans les luttes, dans nos vies, dans ce qu’on nous impose, et ce n’est pas facile de se retrouver heureux, je crois. Je trouve qu’avoir un rapport aux endroits nous fait du bien. Ça peut être un moment dans l’année dans notre maison de vacances ou un souvenir d’enfance qui nous fait doucement sourire… J’ai essayé de créer un rapport à l’ailleurs, ce repère qui peut être partout sauf dans le présent où on se satisfait de ce que l’on a sous les yeux. L’essentiel c’est de rêver. On se sent bien quand on rêve. Et après ça, il y a la Release Party au Rex le 25 mai prochain. C’est une date phare pour le projet. On en parlera au Zénith !

Adrien

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