Interview Nuit Incolore : “Je suis comme le porte-étendard d’une communauté invisible : les introvertis qui ne sortent pas beaucoup”

Interview par Adrien Pateau

Vendredi 21 avril, Nuit Incolore joue à 20h au Connexion Live (8 rue Gabriel Péri). L’occasion de découvrir un artiste à la fois sombre et solaire ! Adrien Pateau a posé quelques questions à l’artistes quelques jours avant son concert à Toulouse.

Difficile de classifier votre musique… C’est assez unique, un peu rap, un peu pop, un peu émo… Comment qualifiez-vous votre style ? 

Hmm, je fais de la musique qui se veut un peu mélancolique. Mais quand je chante “je me déteste jusqu’à la mort”, je pense qu’on est au-delà de la tristesse ! Ce que j’aime beaucoup, et qui me différencie aussi, ce sont les arrangements orchestraux. Je mets souvent quelques violons, du piano ou des instruments d’orchestre dans mes prods pour donner un côté épique.

D’ailleurs, vous allez bien..? 

Oui ! Ce ne sont que des inspirations. J’écris ce qui m’a touché et ce qui me touche. Mais ce sont les concerts qui m’éloignent de la tristesse. Voir des gens, échanger avec eux… C’est la discussion et leur énergie qui m’empêchent de tomber pleinement dans la tristesse.

“Montrer aux gens seuls et renfermés sur eux même qu’on peut être plusieurs”

On est dans la mélancolie heureuse ?

Cela pourrait l’être ! Mais je travaille surtout de nuit, je suis seul chez moi la plupart du temps… Donc il y a plus de mélancolie que de côtés heureux. Je vois moins de gens. Après, il y a des moments où je me complais dans cette solitude. C’est l’indépendance ! J’arrive à trouver un caractère joyeux à cette mélancolie parce que la musique aide, par exemple, à enlever les émotions négatives. Ça les retranscrit et permet de les faire s’évader.

C’est donc comme ça que vous avez écrit votre prochain EP. Qu’est ce qui a dirigé dans sa conception ? 

C’est mes racines. De tous mes projets, “Insomnia”, est mon préféré. Il va retracer mes origines. Je n’en avais jamais parlé avant. Je viens du Vietnam, j’ai été adopté. Je reviens sur ce caractère d’abandon, de solitude, je me confie pour la première fois et je me mets à nu… L’insomnie, c’est aussi le déni de dormir sur ses racines ! 

Est-ce que cette mise à nu vous intimide ?

Je n’ai pas vraiment de craintes vis-à-vis du public. Je suis fier de leur partager un petit bout de moi, j’ai envie de montrer aux gens seuls et renfermés sur eux même qu’on peut être plusieurs. Dans leur cas ou ensemble. Je suis comme le porte-étendard d’une communauté invisible : les introvertis qui ne sortent pas beaucoup. 

L’introversion c’est se recharger quand on est seul. Pas forcément fuir les autres. Comment vous situez-vous par rapport à ça ?

C’est paradoxal. Je suis solitaire et un peu reclus sur moi-même et pourtant je me recharge un peu en voyant les autres. Mais c’est surtout seul dans ma chambre face à mes prods. Il me faut bien deux jours pour me remettre émotionnellement d’un concert ! Il y a un peu cet aspect « geek qui reste chez soi » et qui se retrouve devant tout le monde. Je n’en suis pas mort, mais c’est un peu difficile. En découle toute une quête de soi, il faut lâcher prise face à soi même, faire face à la question de l’abandon, mon adoption étant mon premier rejet, et assumer d’être un asiatique un peu geek qui se montre. Sans vouloir devenir porte-étendard, j’aimerais participer à donner des exemples. Montrer qu’on peut le faire. Être une personne normale qui fait de la musique. 

En vous écoutant, on sent que vous avez une bonne connaissance musicale et de l’écriture. Qu’est ce qui fait une bonne chanson de Nuit Incolore pour vous ? 

Déjà, c’est tout un univers musical. La recette Nuit Incolore c’est beaucoup de compositions la nuit, des instruments d’orchestres, des paroles travaillées…. Je me souviens, j’écrivais en cours et je bossais chaque rime pour qu’elle soit millimétrée. Chaque mélodie et chaque figure de style doit avoir un but. J’essaie de m’appliquer sur chaque texte et chaque instrument pour les changer en une petite oeuvre. 

Vous avez découvert la musique parce que vos parents vendaient des instruments. Vous avez aussi fait le Conservatoire et avez étudié la musicologie. Cela a toujours été une évidence ? 

Oui, ça a toujours accompagné mes pas. Même si au début j’étais un peu dans le déni. Je n’aimais pas la musique classique du Conservatoire, j’ai bifurqué dans des covers de musiques radio et de fil en aiguille… Au fond, c’est une chance d’avoir des parents avec un magasin de musique. Maintenant encore, je vole des ukuleles et guitares pour m’entrainer avec !

Que nous réservez-vous au Connexion Live ?

Déjà, beaucoup de plaisir ! Je ne suis jamais venu à Toulouse. Je connais juste la saucisse et les cachous… Je me réjouis de découvrir la culture locale ! Ce qui est prévu c’est de parler d’insomnia, l’EP sera sorti, de le chanter en vrai, de voir les gens, de discuter avec eux… C’est une des parties des concerts que je préfère, voir les gens ! C’est comme une audition de piano, on performe et après c’est l’apéro. J’aimerais voir le public et découvrir ce que la ville réserve.

Il paraît que votre communauté est très active. Comment vous a t’elle aidé jusque là ? 

Je passe de ne pas avoir beaucoup d’amis à en avoir plein ! Mes potes de réseaux, comme j’appelle ma communauté, ont chacun une existence. C’est fou de se dire qu’il s’agit de vraies personnes. C’est ça que j’aime bien dire, je me sens assez proche d’eux, je réponds à tout le monde. Je vais me coucher à 4h du mat’ parce que je réponds à tout le monde ! Mes followers ne sont pas des objets de notoriété. J’espère toujours avoir le temps de voir les gens à la fin de chaque concert.

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