INTERVIEW OLDELAF – « Je mets vraiment la même importance qu’on joue dans une salle devant 12 personnes ou devant 10 000. »




À l’occasion de sa venue à la Cabane, qui affichait complet le 22 mars dernier, Odelaf nous a accordé un moment pour parler tendresse, trainS et vignes bourguignonnes.


Bonjour Olivier. Merci de nous prêter de ton temps parce que j’ai cru comprendre qu’il était précieux et puis que tu avais un rythme intense en ce moment : le matin à la radio et le soir sur scène ?

Ouais, c’est ça. Il y a beaucoup de choses qui se mélangent. Donc je ne m’ennuie pas, comme on dit !

Cinq jours par semaine tu fais des chroniques en chanson chez France Inter avec « La drôle d’humeur d’Oldelaf », ça doit être assez complexe en termes d’écriture !

En vrai, c’est un petit peu… c’est dur. Tu dois t’adapter sans cesse, être prêt à rebondir, essayer de trouver des idées originales non-stop. C’est quand même assez spécifique comme boulot et comme période. Et puis, comme c’est sur France Inter, tu sais que tu es vachement écouté, donc c’est chouette, mais ça veut dire que tu ne peux pas te rater non plus. Tu as la pression à chaque fois !

Est-ce que tu as un schéma ou une technique pour pouvoir, justement, te faciliter la tâche dans l’écriture de ces chroniques-là ?

Ouais, tu retrouves un petit peu des automatismes sur certains aspects. Il n’empêche que comme le but, au final, est quand même de se renouveler, de changer, de surprendre, les automatismes, tu t’en méfies aussi. Donc, il faut avant tout essayer de surprendre non seulement les invités, les gens de l’équipe qui me voient eux tous les jours ou quasiment au moins toutes les semaines pour certains. Et puis, le public, parce que comme je chante tout le temps la même chanson, il faut réussir à trouver un petit axe pour qu’ils se disent « Oh là là, c’est marrant. Tiens, c’est une bonne idée pour parler d’untel. Il a parlé de ci ou ça ». Il y a beaucoup de remises en cause.


Justement, tu parles du public : une bonne partie du public te connaît à travers ces chroniques, sous un angle humoristique. Mais en écoutant ton dernier album, Saint-Valentin et en me replongeant dans les précédents je me dis que tu es peut-être, surtout, un chanteur à tendresse, parce qu’il y a beaucoup de tendresse dans tes chansons.

Est-ce que toi, cette identité de « chanteur humoristique », c’est quelque chose dans lequel tu te retrouves vraiment pleinement ?

J’ai la chance d’être à un âge avancé où je me prends plus trop la tête là-dessus. J’ai eu, par le passé, des petites frustrations de me dire qu’en effet, les gens n’iront pas chercher plus que ci ou ça chez moi. Ça les rassure certainement d’une certaine manière de me classifier là. Et moi, je n’ai jamais cherché à me mettre dans un groupe comme ça. Je veux juste essayer de faire des chansons qui parfois font rire, parfois non. Il y a plein de gens qui n’ont absolument pas conscience de toutes mes chansons moins marrantes. Mais je suis rassuré par le fait que le public qui vient me voir en spectacle, depuis longtemps pour certains, me demande plutôt des chansons comme Les Mains froides, Les Fourmis, des chansons comme ça, qui ont vraiment marqué tout autant mon répertoire.


Tu parles justement de ne pas répondre forcément à un cadre… Dans Saint-Valentin chaque morceau a une identité sonore différente, un style musical, du rock à la bossa nova, tout en restant très cohérant. Comment ça s’est présenté d’avoir ces esthétiques musicales ?

Je ne me suis jamais interdit d’aller viser tel ou tel style de musique, tant qu’il se prêtait justement à la chanson et au sujet. À partir de là, je me suis naturellement penché vers des styles qui me bottent. Ensuite, j’essaie de garder une cohérence. C’est aussi le rôle du réalisateur, qui est là pour être un petit peu le garant du cadre. C’est Yohann Delgarde qui a réalisé « Saint-Valentin » . On s’est bien entendu, il a fait un super boulot, justement, de cadrage, notamment pour moi qui ai beaucoup d’idées à la minute !

Donc évidemment, pour une chanson qui s’appelait Bonhomme, par exemple, il fallait un truc avec de la testostérone, ou faussement de la testostérone, en tout cas, qui permette d’envoyer du volume, que ça se la joue un petit peu et que ça ait un assez gros son.

J’ai vu que tu avais mis quatre ans à faire cet album. On est dans une industrie qui est très productiviste et demande aux artistes de faire des singles, des disques à tour de bras… Pour toi, est-ce que ça a été un choix de prendre ce temps ?  

Il y a un mélange de choix et de besoins. Au début, on a commencé à faire un album qui était assez acoustique, qui était un album, on va dire, post-COVID, avec mon guitariste Victor Paillet, avec lequel je bosse beaucoup. On est partis à la campagne, on a fait des chansons un peu acoustiques. Et puis, en réécoutant l’album… je crois que j’ai confondu acoustique et triste, en fait….

On avait commencé à enregistrer mais je me suis rendu compte que ça ne correspondait pas exactement à ce que je voulais. Donc on est reparti en studio avec Yohann Delgarde et Victor, et on a rajouté des choses, un peu plus de vie. La chance, c’est d’avoir pu recommencer le travail. Ça a été un vrai luxe. Au début, c’est moi qui produisais et ensuite la prod est venu se joindre au projet et a dit « okay » pour payer tout ce qu’on avait fait avant. Ils ont été royaux.


Tu as fait beaucoup d’auto-prod’ aussi, notamment avec des financements participatifs pour d’autres albums, il me semble ?


Ouais, alors après, c’est vrai que j’aime bien être indépendant mais j’ai quand même toujours rêvé de faire des albums comme tout le monde, de pouvoir avoir des studios, de passer à la radio comme un artiste « normal ». Je n’ai jamais fait de vœux d’indépendance. Par contre, je sais à peu près où je veux aller, donc c’est cool d’avoir pu trouver une prod’ qui a financé ça.

L’indépendance, c’est toujours la question quand on est artiste : on veut bien l’indépendance créative, mais financière, au final, ce n’est pas forcément…


Pas un gros intérêt !


Là, tu es en pleine tournée pour promouvoir Saint-Valentin qui est sorti à l’automne. Donc tu prends, j’imagine, beaucoup de trains parce que tu es à la radio le matin, le soir en concert. Ça c’est un peu la face « cachée » des artistes : le train est ton meilleur ou pire ennemi, c’est selon !

Ça dépend un petit peu de la classe dans laquelle je voyage. Je me suis rendu compte que je n’avais pas trop un corps à seconde, j’ai plus un corps à première !

Je noterais ça !

J’ai fait une étude comparative qui est assez sans pitié et dit vraiment que c’est mieux la première !

Tu as joué dans des salles comme l’Olympia mais tu te produis aussi beaucoup dans des centres culturels, c’est quoi la différence (à part l’évidence de la jauge) ?


En fait, c’est que je me pose pas la question comme ça. C’est que je mets vraiment la même importance qu’on joue dans une salle devant 12 personnes ou devant 10 000, vraiment. Et je dis ça de manière absolument pas démago. Je veux vraiment que chaque personne qui vient se dise: « C’était incroyable, c’était le meilleur concert du monde. C’est là qu’il fallait être ce soir ». Même quand tu joues dans une salle de dix personnes, ils doivent ressortir. « C’était merveilleux ! ». Il y avait les Beatles qui se reformaient en face, mais tu dis: « J’ai bien fait d’aller là. C’était encore mieux ! ».

On a deux questions un peu typiques chez Opus : t’as les clés pour organiser ton festival de rêve, tu le fais où et tu programmes qui ?

Je dirais déjà un festival qui mêle musique et humour, où on puisse croiser des vrais gens.
L’endroit a beaucoup d’importance. Je ne veux pas juste un festival, il faut que ça reste, il faut que ça reste un truc culturel. Moi, j’aimerais bien un truc, pourquoi pas, autour du vin, en Bourgogne. On est en train d’en parler, justement.  Un festival qui mélange spectacles et pourquoi pas, dégustation, découverte du terroir, des vignerons…Un évènement qui permet de marcher, pour voir vraiment la région.

De rester un temps dans le territoire, oui.

Nous, on voyage beaucoup, comme tu l’as dit. Finalement, ce qui fait la chose un petit peu précieuse, c’est quand même de passer du temps sur place. Donc, je demanderais aux artistes de rester un peu et de marcher pour voir vraiment la région. Et au final, tout le monde sera content parce que quand tu montes dans un train, tu viens, tu joues, tu prends un chèque, tu t’en vas. Écoute, la vie est assez courte, donc c’est important d’essayer de faire d’autres trucs, je pense.

Et du coup, tu invites qui à ce festival entre vin et pluridisciplinarité ?

Je pense à des gens que j’admire artistiquement et humainement. J’invite mes copains chanteurs, humoristes pour faire un grand micmac, puisque je pense qu’il n’y a pas forcément de frontière entre les arts. Je les inviterai  ma bande, ma famille,  mais il y aurait Ours, Gauvain Sers, il y aura Giroud et Stotz, GiedRé, Aymeric Lompret,….
C’est ces gens avec qui on aime se retrouver tout le temps, partager, grandir, avancer ensemble. Ça fait beaucoup de temps. Et puis mon groupe, les gars avec qui je bosse depuis longtemps.


Je vais te laisser avec une dernière question, pareil, qui est un peu un petit truc d’opus :
trois projets musicaux d’artistes que tu aimerais partager avec nos lectrices et lecteurs ?

Je dirais She’s Late, qui est un jeune groupe qui fera ma première partie à l’Olympia (en mai 2025). Deux filles et un gars , des français qui chantent souvent, mais pas que, en anglais. C’est vraiment bien.
Après… il faut le connaître, mais ça date des années début 70, je dirais Nick Drake. Il faut aller écouter Nick Drake, quand même, pour se faire emmener dans cette balade folle qui est absolument incroyable. Et puis Debout sur le zinc, toujours !

Fantastique, merci beaucoup d’avoir pris ce temps pour échanger avec Opus et bonne tournée !

Je t’en prie, merci !

Autrice, compositrice et interprète, Arbas est une amoureuse des mots. Son terrain de jeu favori la chanson à texte.